Il y a une crainte de manquer d'eau si les choses continuent comme ça...
En raison de la pression grandissante sur les ressources hydriques, le gouvernement du Québec va tester une gestion active de l’eau s'inspirant des modèles de délestage électrique. À partir de cet automne, un projet pilote imposera des limites temporaires de consommation aux plus gros utilisateurs lorsque les niveaux d’eau deviendront critiques.
Radio-Canada a appris que Québec mettra ce projet pilote à l'essai dans les bassins versants des rivières Bécancour et Nicolet dès cet automne. Tous devront participer à cet effort de réduction, les municipalités, les industries ainsi que les secteurs des loisirs et de l'agriculture.
Un équilibre à revoir
Bien que le Québec détienne 3 % des réserves mondiales d’eau douce, les changements climatiques, la croissance démographique et l’agriculture intensive menacent l’équilibre hydrique de plusieurs régions.
L'essor de la culture des canneberges est notamment au cœur de ces enjeux. Un rapport interne du ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a récemment mis en lumière les risques d'une surexploitation des ressources hydriques due à la production de canneberges.
Dans le Centre-du-Québec, certains cours d’eau dépassent déjà des seuils critiques d’utilisation, frôlant parfois les 50 % voire plus.
Certains experts estiment que si rien n’est fait, ces rivières pourraient se retrouver à sec d'ici quelques années.
Une nouvelle hiérarchie des usages
Conscient de l’urgence, Québec a modifié la Loi sur la qualité de l’environnement en avril 2025 pour établir un ordre de priorité clair en cas de pénurie :
À titre d'exemple, puisqu'il s'agit d'une activité de loisir, les terrains de golf figureront parmi les derniers à pouvoir accéder à la ressource si elle devient insuffisante.
Ce nouveau cadre entend prévenir les conflits d’usage tout en assurant un approvisionnement minimum aux secteurs les plus essentiels.
Une gestion inspirée de la France
Le projet pilote s'inspire des pratiques européennes et plus particulièrement en France où l’eau est mesurée de manière rigoureuse grâce à des compteurs. Au Québec, l'emploi de compteurs n'est pas systématique et sans données fiables, il devient difficile d'estimer correctement la consommation en eau, notamment en milieu agricole.
Pour pallier ce manque, le chercheur et agronome Carl Boivin de l'Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) travaille sur un outil baptisé EstimEau. Cet outil permettra aux agriculteurs à mieux évaluer leur consommation en eau.
L'expert en gestion de l'eau suggère également une piste controversée: la collecte de l’eau de pluie printanière pour remédier aux sécheresses estivales. Un projet semblable a toutefois causé des tensions en France.
Des signaux d’alarme déjà bien visibles
Il y a quelques jours, Radio-Canada évoquait déjà les défis qui se posent en matière de gestion de l'eau. À Mercier en Montérégie, des agriculteurs ont dû abandonner des cultures cet été, faute d’eau. La mairesse Lise Michaud a d'ailleurs prévenu les ministres de l’Environnement et de l’Agriculture: « Il va manquer d’eau dans plein d’endroits si on continue comme ça ».
Certaines municipalités n’ont pas attendu la modification législative apportée par Québec. En effet, Radio-Canada rapporte que certaines villes « ont pour leur part déjà dû décréter des moratoires sur les projets de construction résidentielle pour garantir de l’eau pour tout le monde ».
L’heure des choix
Bien que le ministère de l’Environnement n'ait pas encore eu officiellement à déterminer un ordre de priorité pour la consommation en eau, « il se prépare à devoir faire des choix ».
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