Il propose de mettre en place une taxe spéciale qui fait beaucoup jaser...
Son idée ébranle les fondations du capitalisme international. Cette idée, c'est celle de Gabriel Zucman, un économiste français de 38 ans qui propose de taxer les ultrariches.
Soutenue par une large majorité de citoyens français, cette proposition s’est hissée au premier plan de l’actualité, observe Frédéric Arnould dans un article publié par Radio-Canada.
La « taxe Zucman » propose un impôt minimum de 2 % sur le patrimoine net des personnes détenant plus de 100 millions d’euros. Exit l’impôt uniquement basé sur les revenus... Et qui est facilement contourné par les plus riches.
Zucman précise que les milliardaires français paient en moyenne deux fois moins d’impôt que les autres citoyens, un écart qu’il juge contraire à l’égalité de tous devant la loi.
D'après ses calculs, avec la mise en place de cette taxe, 1800 foyers seraient concernés en France. L'État recevrait ainsi environ 20 milliards d’euros.
Soutien populaire et méfiance des ultrariches
Selon un sondage mené par Ifop en septembre, 86 % des répondants sont d'accord avec cette proposition. En pleine crise sociale et politique, elle incarne pour beaucoup un retour à une certaine justice fiscale.
Mais chez les plus fortunés, c’est la levée de boucliers. Bernard Arnault, cinquième fortune mondiale et patron de LVMH (marques de luxe dont Moët, Hennessy et Vuitton), accuse Zucman de militantisme d’extrême gauche.
Philippe d’Ornano, président de l'entreprise de cosmétiques Sisley et Éric Larchevêque de Ledger, une société associée à la cryptomonnaie, dénoncent tous deux une taxe injuste et dangereuse pour les entreprises. « Ces actions valent un prix de marché, mais elles ne sont pas liquides, il n'y a pas de dividende. Donc, sur mon compte en banque, en fait, il y a 0 euro », explique Larchevêque au sujet de ses placements.
Les économistes se divisent
Durant l'entrevue, Zucman avance des chiffres précis. Les 500 plus grandes fortunes de France détiennent aujourd’hui à elles seules 1 200 milliards d’euros, soit 42 % du produit intérieur brut du pays. En 2010, ces mêmes fortunes ne représentaient que 200 milliards d’euros, soit 10 % du PIB.
Certains économistes croient que Zucman ne s'attaque pas au vrai problème. Philippe Aghion, professeur au Collège de France, juge l’idée séduisante, mais inefficace, affirmant que pour un euro taxé, seuls 25 centimes reviennent réellement à l’État. Il suggère plutôt de cibler les dérives liées aux holdings familiales, fréquemment utilisées pour dissimuler des dépenses personnelles.
Un projet freiné au Sénat
Adoptée à l’Assemblée nationale, la taxe a été bloquée au Sénat en juin dernier. Seuls les partis de gauche l’ont soutenue. François Bayrou, ex-Premier ministre de centre droite, y voyait une menace pour l’investissement et une rupture constitutionnelle. Cette prise de position lui a peut-être coûté son poste, peut-on lire dans l'article.
Gabriel Zucman attend de pied ferme le gouvernement qui est mis en place par le nouveau premier ministre Sébastien Lecornu. Pas question de revoir son taux d'imposition à la baisse : « Aller en dessous de 2 %, ça reviendrait à dire : "Allez, on a fait du mieux qu'on pouvait, mais la conclusion, c'est que les milliardaires ont le droit de payer moins que les autres." Je pense que ce serait un aveu d'échec et de démission ».
L'économiste demeure tout de même optimiste, précisant que les forces démocratiques finissent par l’emporter sur les oligarchies.
Transposée en Amérique du Nord, une mesure fiscale de cette nature susciterait à coup sûr une vive controverse.
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